Très bon livre
"C'est dans les jardins qu'on range les rêves. Les voitures qu'on conduit mal parce qu'on veut fuir trop bien, les buggys qu'on abîme parce qu'ils n'auront jamais le jaune des camions de notre enfance, Dionysos rieur et fou sur le siège déchiqueté où mourut Clyde Barrow, la chaise longue où je me branle et relis Ecce Homo loin d'un monde d'hommes pressés aux gestes mesurés."(...)
« Ma tête tournait. Je voyais les voitures et les gens s’agiter sur l’asphalte d’un monde qui salit tout, où nos scènes de rupture ressemblent à des comptes rendus de réunion, où nos derniers amis sont trop éblouis par leurs nuits pour reconnaître la marque de ce qu’un jour ils refusèrent, et digèrent leurs drogues repus comme des bourgeois gourmands, quand ceux qui furent nos compagnons, voguant vers de nouveaux clients, nous font payer le prix fort pour une si négligeable chute. C’était, effectivement, l’heure des bilans. (…)
Puis
j’ai pris la route, une main sur sa tête de bon chien et l’autre sur le volant,
conscient qu’une époque s’achevait, qui ne reviendrait pas, conscient qu’il
fallait s’incliner. L’idée ne me déplaisait pas vraiment. Simplement j’aurais
souhaité rupture plus wagnérienne, transition plus brutale que la pente douce
où nous glissions, de la fin d’une jeunesse au début d’une vie sans idéal ni
sens, consacrée aux moments de plaisir et à leur épuisement. Qu’on l’enterre,
cette jeunesse, une fois pour toute et dans un fier tumulte. »
*
Charles Pépin
Descente