Délices de nos licences
Il était quatre heures, au moins.
J'ai rejoint ma voiture en vacillant un peu sur mes talons aiguilles.
La ville dormait, pas moi. Hi hi. Trop bon.
Ma liberté me grisait davantage que la malheureuse bouteille de champagne que nous avions partagée. Ou peut-être y en avait-il eu deux ?
En tout cas, ce n'étaient pas ces bulles-là qui faisaient pétiller mon sang.
La nuit m'appartenait. Quelques heures volées plus précieuses que de l'or.
Ma conscience était aussi pure et pimpante que le ciel étoilé.
Malgré mes bas maillés, mes fesses meurtries, mes chairs encore cuisantes.
J'étais en paix avec moi et moi-même. Conjonction assez rare pour être fêtée, dégustée, éminemment respectée.
Tant de temps passé à se trahir pour ne pas faire de peine, pour ne pas faire de vagues,
pour ne pas avoir à trouver les mots introuvables qui expliqueraient et consoleraient.
Tant de lâches sacrifices dans nos vies d'adultes enchaînés, surveillés, bâillonnés,
plus fliqués au fond que des gosses ou que des prisonniers.
S'évader est un devoir sacré. Inscrit dans le Code d'Honneur du Vrai Guerrier.
Et je pouvais m'enorgueillir d'avoir encore une fois remplie ma mission.
J'ai ôté mes talons hauts et enfilé mes bottes.
Glissé ma clé USB dans le lecteur, allumé le moteur,
puis une divine cigarette. Roulée d'avance, qualité supérieure.
Bien jouée l'amie, je me suis dit. Au moins une qu'il n'aura pas eue, ce taxeur.
Sourire, marche-arrière, redressement, douce accélération, fluide glissade sur l'asphalte.
On se revoyait bientôt.
La vie était belle.