à l'inconnu (2)

L’homme se déplaçait devant moi. Sa main me manquait.  Et son corps, dont je ne connaissais même pas les contours, ni la taille, ni la chaleur. Était-il un de ces froids cérébraux, un de ces coincés qui ne touchaient pas leur proie ? Ma sensualité ne l’intéressait-elle pas ? Allait-il me laisser seule avec mon sang bouillant, avec ma peau et tous ses capteurs activés ?

Il m’a annoncé qu’il me laissait le choix des armes.
-    Etends les mains à plat devant toi.
Il a posé un objet sur mes paumes un peu tremblantes.
-    Dis-moi ce que c’est.
Longueur, minceur, légèreté, rigidité. Frisson sur l’échine. Une de mes pires ennemies.
-    Une…une cravache.
Sans un mot, il me l’a enlevée des mains. Apparemment, ce n’était pas un bavard, lui non plus. Ce n’est pas lui qui jouerait au Maître de Cérémonie et légenderait l’histoire. Pas lui qui relierait les personnages. Tant pis. Chacun dans sa bulle.
L’objet suivant était plus lourd. Plat, court, un peu souple. Le premier qu’il m’était donné de toucher.
-    Un paddle.
Ma voix comme un souffle. La peur comme une main qui serrait doucement mon cou. Et si l’heure était venue ? Si Léo avait enfin mesuré l’étendue de mes fautes ? Si on avait fini de rire ?

Effrayant serpent de cuir.
-    Une ceinture.
Bouquet de liens.
-    Un martinet.
Flèche en plein cœur.
-    Bambou.

Et le souvenir de Sam, qui s’invitait à la fête. Mais que j’ai chassé, que j’ai craché. Pas question qu’il me gâche le peu que j’avais de vie. Pas question qu’il vole ce que m’offrait Léo. Pas question qu’il détourne mon attention de cet homme dont je ne savais rien, et qui était peut-être un sale con sans la moitié de ses charmes, mais qui était là, lui. Ici et maintenant.  Et qui semblait prêt à me donner ce dont j’avais besoin. Pas grand-chose. Juste qu’on me remette un peu à ma place de temps en temps.
-    Alors, quel est ton choix ?
Vos mains. Leurs caresses, leur brûlure. Un dialogue de nos peaux, à défaut de nos mots.
-    Heu…
Je me suis dégonflée. J’ai eu peur de le gêner, de lui imposer une proximité qu’il ne désirait peut-être pas.
J’ai baissé la tête d’un air accablé, pour bien marquer quand même que ce n’était pas de gaieté de cœur que j’allais m’exprimer, et que je n’étais pas de celles qui réclament d’avoir mal et frétillent sous les coups. J’étais une jouisseuse qui aimait franchir quelques obstacles pour obtenir sa récompense, pas une maso qui prenait son pied dans la souffrance. 
-    Le martinet.
C’est la douillette qui avait parlé.  Ou murmuré, plutôt. Du bout des lèvres, dans un soupir, comme si cela pouvait alléger l’impact à venir.
Je n’avais jamais reçu le paddle, mais j’imaginais sans peine que c’était aussi redoutable que la cravache ou le bambou. Et la ceinture, n’en parlons même pas. Léo ne s’en était servi qu’une fois mais j’en gardais un souvenir horrifié.
-    Soit.
Je le sentais un peu déçu. Ou, pour le moins, pas très motivé. Mais comment ne pas le comprendre ?  Je lui tombais toute cuite dans le bec, sans qu’il sache pourquoi j’étais là devant lui, ni quelle sorte de prétentieuse petite salope j’étais.
Il me prenait peut-être pour une sage bobonne, qui jouait  à la soumise pour faire plaisir à son mari ?   
Comment pouvait-il deviner que j’étais encore indomptée ?








(à suivre)

Comments

[vilaine fille]

Doigt de miel : J'espère bien ! ;-)



Flow : " Regrets éternels"

;-)

[FLOW]

"Vos mains. Leurs caresses, leur brûlure. Un dialogue de nos peaux, à défaut de nos mots"
Vous auriez du oser... ;-)

[doigt de miel]

Hihi, excellent choix que le martinet... parfait pour ouvrir le bal, si j'ose dire ;-)...
C'est amusant, j'ai l'impression de comprendre quelque chose sur toi en te lisant ;-)...
Bises douces